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Platon et ses dialogues :
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Platon et ses dialoguespar Bernard SUZANNE |
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« La plus sûre description d'ensemble
de la tradition philosophique européenne est qu'elle consiste en une série d'annotations à Platon » A. N. Whitehead, Process and Reality, 1929 « Si quelqu'un réduisait Platon en système, il rendrait un grand service au genre humain » G. W. Liebnitz, Lettre à Nicolas Rémond du 11 février 1715 |
Platon est probablement l'un des plus grands philosophes de tous les temps, sinon le plus grand. Et pourtant, il était l'un des premiers philosophes, du moins dans la tradition philosophique occidentale qui naquit en Grèce quelques centaines d'années avant J. C., et en tout cas, il est le premier dont les œuvres complètes nous ont été conservées. Mais si nous avons plus que notre compte d'ouvrages attribués à Platon, puisque plusieurs des dialogues et lettres qui nous ont été transmis sous son nom ne sont très probablement pas de lui, nous n'avons en revanche que très peu d'informations sur sa vie et son activité littéraire. De ce fait, plusieurs théories concurrentes ont été proposées par les spécialistes de diverses époques en ce qui concerne l'interprétation des dialogues et leur chronologie dans la mesure où elle est censée influer sur cette interprétation. Ces pages se proposent de présenter une nouvelle théorie sur l'interprétation des dialogues et la « philosophie » de Platon qui suggère de voir dans ses vingt-huit dialogues authentiques un unique ouvrage constitué de sept tétralogies comprenant chacune un dialogue introductif et une trilogie (voir le plan de cet ouvrage dans la page de ce site intitulée « Les tétralogies de Platon ») qui, ensemble, constituent un guide de formation des étudiants de l'Académie, l'école fondée par Platon à Athènes pour former de futurs gouvernants, les « philosophes rois » qu'il appelle de ses vœux en République V, 473c11-e2, au centre du dialogue central de cet ensemble (on trouvera une version synthétique de ces thèses, datant de fin 2016, dans un document au format pdf intitulé « Platon : mode d'emploi »).
Dans cette perspective, l'« évolution » perceptible au fil des dialogues lus dans l'ordre que je propose n'est pas celle de leur auteur au fur et à mesure qu'il les écrivait (comme le pensent les tenants de ce que j'appelle l'hypothèse « évolutionniste », c'est-à-dire tous les commentateurs récents), mais reflète une adaptation de l'auteur faisant œuvre de pédagogie au niveau attendu de l'élève / lecteur au point de sa formation auquel correspond le dialogue, tous ces dialogues ayant été écrits par un auteur s'appuyant sur les mêmes convictions du début à la fin de la rédaction de cet unique ouvrage, sans doute réalisé en totalité dans les dernières années de sa vie, et n'hésitant pas à semer au fil de ces dialogues, surtout vers la fin du programme, des « tests » implicites de compréhension à l'intention de ses élèves / lecteurs (sans bien sûr dire explixitement qu'il s'agit de « tests », ni donner les clés de lecture et les réponses à la fin de l'ouvrage), qui font s'arracher les cheveux aux tenants de l'hypothèse « évolutionniste, pour qui les dialogues sont supposés refléter l'évolution intellectuelle de leur auteur au fur et à mesure qu'il les écrivit sur une période supposée d'une cinquantaine d'années entre la mort de Socrate et sa propre mort. Parmi ces questions-tests auxquelles le lecteur doit apporter une réponse, on peut mentionner : pourquoi Platon écrivit-il le Ménéxène, dans lequel il semble se prendre au jeu les rhéteurs de l'époque, les Lysias, Gorgias et autres Isocrate, qu'il critique pourtant tout au long des autres dialogues et particulièrement dans le Gorgias ? Quelle est la signification du Parménide, qui semble remettre en cause certaines des « théories » supposées de Platon dans ses ouvrages dits « de maturité » par les tenants de l'hypothèse « évolutionniste », et en particulier sa supposée « théorie des formes / idées » telle qu'ils la comprennent (mal) ? Comment expliquer que le portrait de « philosophe » que propose le Socrate de Platon dans une digression au centre du Théétète fasse tout son possible pour disqualifier Socrate, tel que présenté dans les autres dialogues, de cette appellation, alors qu'il est pour Platon, si l'on en croit ceux-ci, et en particulier les derniers mots du Phédon (Phédon, 118a15-17), le meilleur exemple de ce qu'il entend par « philosophe » ? Pourquoi Platon a-t-il remplacé Socrate par l'Étranger d'Élée comme meneur de jeu dans le Sophiste et le Politique ? Pourquoi n'a-t-il jamais écrit le dialogue annoncé dans le Sophiste et le Politique, qui aurait dû s'appeler le Philosophe et aurait consisté en un dialogue entre Socrate et son jeune homonyme interlocuteur de l'Étranger d'Élée dans le Politique ? Pourquoi le Critias est-il interrompu, et pourquoi au point précis où il l'est ? Pourquoi Platon n'a-t-il jamais écrit la suite annoncée au Timée et au Critias, qui aurait dû s'appeler l'Hermocrate ?...
Mais ces pages ne cherchent pas à faire de vous des « spécialistes » de Platon, de sa pensée et de ses (supposées) « théories », car une des convictions profondes de leur auteur est que, si Platon a écrit des dialogues, et non pas des traités de philosophie, et de plus des dialogues dans lesquels il ne se met jamais lui-même en scène, c'est parce que son objectif n'était pas de dire à ses lecteurs ce que lui pensait, quelles étaient les réponses que lui avait données aux questions les plus fondamentales sur ce que veut dire « être un homme », mais de leur apprendre à penser par eux-mêmes afin de trouver leurs propres réponses à ces questions, car il savait qu'en ces matières, pas plus lui que nous n'aurions jamais de réponses définitives « scientifiquement » démontrables, et que chacun devait construire sa vie et la vivre (et cela, personne ne peut le faire pour un autre) sur des hypothèses qui devaient être les plus « raisonnables » possibles, puisque ce qui caractérise l'homme et le distingue de tous les autres animaux, c'est d'être un animal doué de logos (un mot grec qui veut dire à la fois « parole », et plus specifiquement, « paroles » en tant que porteuses de sens et donc susceptibles de vrai et de faux, et « raison », entre autres sens), mais qui n'en resteraient pas moins jusqu'au bout des hypothèses « indémontrables ». Les plus « raisonnables », et aussi les plus cohérentes entre elles possibles : deux « hypothèses » acceptées en réponse à des questions différentes ne doivent pas conduire à des conclusions contraires sur quelque autre sujet de ce soit. Bref, il voulait simplement aider ses lecteurs à mettre chacun pour soi en pratique l'adage gravé au fronton du temple de Delphes dont son « maître » Socrate avait fait sa devise :
« Connais-toi toi-même » |
(en grec : « gnôthi sauton », qui est plus justement traduit par « apprends à te connaître toi-même ») et à devenir ainsi des philosophes, c'est-à-dire, selon Platon du moins, non pas des spécialistes d'une discipline universitaire parmi d'autres vivant plus ou moins bien de l'argent des cours et conférences qu'ils donnent, des débats qu'ils ont entre eux et des ouvrages qu'ils publient, mais, au sens étymologique, des « amoureux de la sagesse », amoureux (philoi en grec) seulement et non pas « sages » (sophoi en grec), car ils savent que la sagesse dont ils sont amoureux n'est pas accessible en ce monde (puisque les fondements sur lesquels elle repose ne sont pas démontrables, ce qui veut dire que, comme le répétait Socrate, « je ne sais rien », c'est-à-dire que « je ne sais de manière certaine, au sens le plus fort de ces mots, rien de ce qui seul compte pour parvenir au bonheur dans la vie »), mais constitue un idéal de justice, une justice qui n'est pas simplement le respect des lois régissant les relations entre personnes, mais l'harmonie intérieure d'un être dont la volonté est tiraillée entre passions et raison et dont l'unité n'est pas donnée d'avance (dimension psychologique), comme fondement de l'harmonie sociale entre les hommes et les femmes dans la cité (dimension « politique ») : c'est tout le message de la République, la « clé de voûte » de tout l'édifice, dialogue médian de la trilogie de la tétralogie médiane centrée sur l'âme (psuchè), pont entre le sensible et l'intelligible, qui mèle inextricablement le point de vue individuel / psychologique et le point de vue collectif / politique.
Et si, pour Platon, l'homme se caractérise par le fait d'être doué de logos, cela suppose qu'il est d'abord un animal fait pour vivre en société (politikos), car le logos n'a pu naître et se développer que par et pour le dialogue dans des communautés de vie suffisament stables et pérennes pour permettre l'émergence d'un vocabulaire et d'une grammaire transmissibles au fil des générations. La finalité première de ce logos est donc de permettre aux hommes d'organiser, par le moyen du dialogos (« dialogue »), le mieux possible leur vie en société de manière à permettre au plus grand nombre d''entre eux d'être le plus heureux possible malgré (et aussi grâce à) leurs différences « biologiques » à la naissance et en tenant compte des contraintes qu'implique la vie en société. Pour ce faire, le savoir le plus important, qui n'est pas accessible à tous au même degré, est justement la maîtrise du (dia)logos, ce qu'il appelle la dialektikè, c'est-à-dire pour lui l'art d'utiliser le logos pour accéder au vrai concernant le monde qui nous entoure, le comprendre (c'est-à-dire nous le rendre « intelligible », et plus seulement « sensible », c'est-à-dire réduit aux données des seuls sens), et comprendre en particulier les relations qui lient ses constituants (dont nous, hommes) entre eux et les lois qui les régissent, pour en tenir compte et nous en inspirer pour organiser le cadre de notre vie d'animaux faits pour vivre en société dans une polis (« cité / État ») et donc politikoi (« politiques ») et doués de logos (logikoi) au moyen de « lois » qu'il revient à celles et ceux qui en ont la capacité d'instaurer et de faire vivre à la lumière de l'expérience pour le plus grand bonheur de tous.
L'objectif de tout cet ensemble de dialogues, du premier (Alcibiade) au dernier (les Lois) de part et d'autre de la clé de voûte que constitue la République, est donc politique : il s'agit de répondre à la question posée dès le premier dialogue, l'Alcibiade : qu'est-ce qui habilite un être humain à gouverner ses semblables et quelles compétences doit-il avoir pour jouer ce rôle, avec, bien sûr, en arrière-plan, quel est le meilleur régime pour ce faire ? Et au fil des dialogues qui conduiront à la présentation dans les Lois, le dernier d'être eux, d'un exemple situé dans le temps et l'espace (la Grèce du IVème siècle avant J.-C.) et donc non reproductible à l'identique dans d'autres lieux et d'autres temps, mais toujours utile par l'esprit dans lequel il aborde ces questions, Platon cherche à faire comprendre qu'il est impossible de répondre correctement à ces questions sans répondre préalablement à une multitude d'autres questions auxquelles il convient d'apporter des réponses cohérentes entre elles : qu'est-ce que c'est que d'être un anthrôpos (« être humain) ? Qu'est-ce qui en constitue l'excellence (aretè, improprement traduit par « vertu ») ? Qu'est-ce qui est bon (et pas seulement « bien » au sens moral) pour lui, dans toutes ses dimensions, matérielles (corps) et spirituelles (« âme ») ? Comment fonctionne le logos qui le spécifie ? Comment et dans quelles limites peut-il lui donner accès à autre chose que les mots qui le composent en tant que phénomènes sonores ? Quel(s) rôle(s) spécifique(s) y joue le verbe einai (« être ») ? Que peut-il connaître du monde qui l'entoure ? Qu'implique dans cette perspective sa finitude temporelle et la mort inéluctable ? Y a-t-il quelque chose de lui qui subsiste à la mort ? Quels impacts a sur l'organisation optimale de la « cité » la différence biologique entre hommes et femmes ? Comment prendre en charge le mieux possible, à la fois pour leur plus grand bien et pour le plus grand bien de la cité (qui conditionne le leur, et réciproquement), l'éducation des citoyennes et citoyens de leur naissance à leur mort ?...
Et sur toutes ces questions, Platon est toujours dans une perspective d'inclusion et de complémentarité (corps et esprit, raison et passions, sensible et intelligible, être et devenir, homme et femme...) cherchant à prendre en compte le tout de l'homme et de l'Univers et à déterminer la juste place de chacun de ces éléments, et non pas dans une perspective d'opposition et d'exclusion (l'esprit au détriment du corps, la raison libérée des passions, l'intelligible au mépris du sensible, les hommes à l'exclusion des femmes pour gouverner...) niant la « réalité » de certains d'entre eux, tout ce qui n'est pas matériel, visible et tangible pour les uns (les « fils de la terre » du Sophiste), tout ce qui l'est pour les autres (les « amis des eidè » du Sophiste). C'est ce que montre la célèbre allégorie de la caverne proprement comprise, qui n'oppose pas, comme on le croit généralement, deux « mondes » distincts, le monde matériel et sensible, celui du « visible » (horaton), représenté par l'intérieur de la caverne, dont il convient de sortir, et le « monde » des « formes (eidè) / idées (ideai) », l'« intelligible » (noèton) représenté par l'extérieur de la caverne, où il convient de rester quand on y est, mais décrit deux manières complémentaires d'appréhender un unique « monde », le nôtre, une appréhension par la vue du « visible » (horaton), mais aussi par l'ouïe, indispensable pour permettre l'expression du logos, qui ouvre l'accès à l'intellgible, et plus généralement par les sens, à l'intérieur de la caverne, et une appréhension par l'esprit / intelligence (noûs) de l'« intelligible » (noèton), qui donne accès à l'intelligibilité de cet unique Kosmos (l'Univers en tant que manifestant un certain « ordre » (kosmos en grec) traduit par des « lois ») à l'extérieur de la caverne, qu'il ne convient d'explorer, quand on en a les capacités, que pour retourne dans la caverne, dont on ne sort jamais complètement tant qu'on reste dans un corps matériel. Et de fait, l'allégorie bien comprise nous montre que tout ce qui est « visible » à l'intérieur de la caverne se retrouve en tant qu'« intelligible » à l'extérieur, où se trouvent en plus des « idées » (ideai) purement intelligibles qui en constituent les principes d'intelligibilité, le pont entre les deux étant assuré par les eidè (« sortes, genres, espèces, formes... ») que chacun se pose pour donner sens aux mots qu'il utilise et fait évoluer tout au long de sa vie au fur et à mesure que sa compréhension s'enrichit, et qui ont pour cibles lointaines les ideai, principes d'intelligibilité « objectifs », représentés dans l'allégorie par les astres du ciel. Cette distinction entre les eidè, principes de nommage, que chacun se pose pour lui et ajuste au fil du temps pour donner sens aux mots qu'il emploie, et les ideai, principe d'intelligibilité « objectifs » qui ne sont la création d'aucun être humain, mais s'imposent à tous, est mise en évidence au dernier livre de la République, dans la discussion sur les différentes sortes (eidè) de lits : l'image peinte d'un lit, le lit fabriqué par les artisans, le seul sur lequel on peut dormir, l'idea unique de lit, qui fait comprendre ce qu'est un lit indépendamment du nom qu'on lui donne (klinè, lit, bed, bett, letto, cama, plumard, pageot...) et de la manière dont il est matériellement réalisé, sans oublier le mot « lit », que Platon nous laisse le soin d'ajouter à sa liste entre les lits fabriqués et l'idea de lit, pour retrouver les quatre segments qu'il décrit dans l'analogie de la ligne qui prélude, dans la République à l'allégorie de la caverne, et qui représentent les quatre mode d'appréhension du réel, deux dans le visible / intérieur de la caverne et deux dans l'intelligible / extérieur de la caverne, la diférence dans chaque cas (visible et intelligible) se faisant par la conscience que n'a pas ou qu'a la personne qui appréhende le monde (dans sa dimension visible ou intelligible) du fait qu'il ne l'appréhende qu'à travers des « images », les images fournies par la vue dans le visibles, les mots dans l'intelligible, qui ne sont jamais ce dont on n'appréhende que ces « images / représentations », les « étants » (onta) eux-mêmes (auta) (ces deux images, analogie de la ligne et allégorie de la caverne devant se lire ensemble dans la mesure où elles s'éclairent mutuellement).
En prélude ou en accompagnement de la lecture des dialogues de Platon, on trouvera dans la page de ce site intitulée « Platon par lui-même » la traduction par moi accompagnée de notes de deux passages de la lettre VII, probablement la seule des treize lettres qui lui sont attribuées et sont publiées encore aujourd'hui sous son nom qui soit de lui, qui sont particulièrement éclairants : d'une part, au début de la lettre, ce qu'on peut considérer comme une brève autobiographie jusqu'à son premier voyage en Sicile, et d'autre part, ce qu'on a l'habitude d'appeler la digression philosophique (resituée dans son contexte proche qui en explique la motivation), qui constitue un résumé partiel, à l'intention de non spécialistes, de l'épistémologie de Platon de sa propre main, et qui peut donc éclairer la lecture des dialogues et aider à leur compréhension.
Dans une page de ce site intitulée « Les Socrates de Platon », on trouvera par ailleurs un exposé de ce que je pense être le rapport du (ou des) Socrate que Platon met en scène dans la plupart de ses dialogues au Socrate historique, resitué dans le contexte du plan en tétralogies dont je prétend qu'il est le plan selon lequel Platon a écrit ses dialogues et des objectifs pédagogiques et philosophiques qu'il s'y donne, qui suggère que ce que Platon a principalement retenu de Socrate, c'est une méthode pédagogique basée sur le dialogue par questions et réponses et cherchant à appliquer aux problèmes éthiques qui étaient le souci principal du Socate historique l'approche « rationnelle » des géomètres et mathématiciens, même s'il savait qu'en ce domaine la certitude absolue n'était pas possible, ce qui explique qu'il en ait fait le guide de ses élèves / lecteurs dans des dialogues tous imaginés par lui pour répondre à ses objectifs pédagogiques et philosophiques et ne cherchant donc pas à restituer plus ou moins fidèlement des événements de la vie et des propos du Socrate historique, même si certains de ces dialogues peuvent se situer dans un cadre historique précis, comme par exemple son procès et sa mort. On trouvera dans cette page des éléments de réponses à la plupart des « questions-tests » que j'ai listées plus haut.
Un peu d'histoire (du site) : lorsque j'ai créé ce site en 1996 (en anglais parce qu'au départ, il était hébergé par une université américane, voir les remerciements à la fin de cette page), j'avais le projet d'y commenter tous les dialogues dans cette nouvelle perspective et en plus, de fournir des éléments de contexte historique et géographique pour ces dialogues, et le plan du site a été fait en conséquence, sur la base de l'organisation des dialogues en tétralogies. Quand j'ai ouvert une section en français fin 1997, elle devait être le miroir de la version en anglais. Mais lorsque; vers la fin 2001, j'ai rapatrié ce site en France et n'ai plus eu de liens avec l'université américaine qui l'avait hébergé au début, je me suis concentré principalement sur la partie en français en donnant la priorité à des traductions largement annotées de textes majeurs de Platon, qui m'ont permis de découvrir un Platon qui n'est pas celui des spécialistes, loin de là ! Il est en effet pratiquement impossible de bien comprendre Platon sans revenir au texte grec original tant les traductions disponibles reflètent plus la compréhension (et souvent l'incompréhension) de leur auteur que la pensée de Platon. Et ces découvertes ne se sont pas faites d'un coup, tant il est difficile de se libérer des (fausses) idées reçues qui encombrent les commentaires de Platon et polluent les traductions disponibles de ses dialogues, à commencer par sa supposée « théorie des formes / idées », qui est pour la plupart sa marque de fabrique, si bien que la mise en forme des idées que je présente sur ce site au-delà de la structuration en tétralogies, qui, elle, n'a pratiquement pas changée depuis le début, s'est faite progressivement et que je n'ai pas toujours repris toutes les pages déjà existantes pour les mettre en cohérence avec les idées nouvelles découvertes dans l'élaboration de nouvelles pages. Et aujourd'hui, en août 2024, losque j'écris ces lignes, près de trente ans après la création du site et à l'âge de quatre-vingt ans, je me rends compte que je ne pourrai pas réaliser le site tel que je l'avais initialement conçu, ni même mettre en cohérence ce qui y est déjà publié à la lumière de mes dernières découvertes, ou de celles que je n'ai pas encore faites et que je pourrais faire dans l'avenir en continuant à étudier et traduire des pages des dialogues. Quoi qu'il en soit, toutes les pages de ce site sont datées en haut à droite et en bas de page au centre et lorsque des discordances ou des contradictions apparaissent entre pages, il faut toujours donner la préférence à ce qui est dit dans les pages plus récentes sur ce qui est dit dans les pages plus anciennes.
Dans son état actuel (août 2024), le site français propose principalement quatre ensembles de traductions annotées de dialogues ou de parties de dialogues :
- Le plus ancien est une traduction complète avec introduction et notes du Ménon (en version pages html, et en version pdf en format livre incluant le texte grec), dialogue introductif de la troisième tétralogie (Ménon - Euthyphron / Apologie de Socrate / Criton), centrée sur le procès de Socrate, remontant aux années 2000-2002. Ce dialogue, qui s'ouvre sur la question de savoir comment l'homme peut acquérir l'excellece (aretè (souvent (mal) traduit par « vertu », à la connotation trop exclusivement morale), si c'est par l'enseignement ou par la pratique, ou si c'est un don de nature, se termine sur la question de la différence entre opinion vraie et savoir, question fondamentale pour quelqu'un qui, comme le Socrate de Platon, estime que l'appréhension par les sens ne peut conduire qu'à des opinions et que le savoir, s'il est accessible à des êtres humains en cette vie, ne peut l'être que dans l'ordre intelligible, dont il convient alors de préciser les contours et les modes d'accès, ce qui est fait dans des dialogues ultérieurs.
- Le plus déterminant est consitué de traductions largement annotées et commentées d'extraits de la République, le plus gros morceau étant la traduction complète en plusieus pages html des livres V à VII et des premières lignes du livre VIII, qui constituent le « cœur » de la République, elle-même centre et clé de voute du programme développé par les dialogues (une page intitulée Les trois vagues constitue une introduction à la lecture des livers V à VII), complétée par une traduction du début du dialogue (le préambule et le dialogue entre Socrate et Céphale), une traduction de l'histoire de l'anneau de Gygès racontée par Glaucon dans son discours au livre II, une traduction de la discussion sur les différentes sortes de lits vers le début du livre X (texte déterminant pour comprendre ce que Platon entend respectivement par eidos et par idea, et la différence qu'il fait entre les deux), et pour finir, une traduction de la fin du livre X (et donc de la République), le mythe d'Er, le Panphilien. Une page intitulée Aux âmes, citoyens ! présente les principes de scénarisation de la République (qui met en présence deux « âmes » tripartites (selon la tripartition justement mise en evidence dans le dialogue) dont les parties sont « jouées » par Socrate et ses différents interlocuteurs) et d'autres pages présentent les plans du dialogue et la répartition des rôles entre les différents interlocuteurs de Socrate, qui changent au fil du dialogue (Céphale, puis Polémarque, puis Thrasymaque au livre I, ensuite Adimante et Glaucon, les frères de Platon, en alternance). Les pages les plus déterminantes de ces trois livres sont, à l'articulation des livres VI et VII, l'analogie de la ligne et l'allégorie de la caverne, qui se complètent et doivent être lues ensemble, préfacées par la mise en parallèle du bon et du soleil, mais aussi la page, à la fin du livre V, que j'ai traduite sous le titre Savoir et opinion : idées et idées reçues, qui fait suite à l'énoncé du principe du philosophe roi, et ouvre la longue section qui occupe tous les livres VI et VII et décrit ce que Platon entend par « philosophe » (philosophos) et comment il suggère de former de telles personnes, et la définition de la dialektikè à la fin du livre VII, qui présente ce que Platon appelle dialektikè (qui n'est pas ce qu'on a l'habitude d'appeler « dialectique », la transcription du mot grec en français, surtout après Hegel et Marx) et dont il fait le couronnement de cette formation. La page intitulée Savoir et opinion : idées et idées reçues commence par une longue introduction, qui est en fait une introduction à l'ensemble des pages qui suivent jusqu'à la fin du livre VII, ce que Socrate appelle « la troisième vague », et la traduction de l'analogie de la ligne commence par une introduction à l'ensemble qu'elle constitue avec l'allégorie de la caverne montrant comment les deux images se complètent et s'éclairent l'une l'autre.
Note : la traduction de ces pages de la République s'est étalée sur de nombreuses années depuis une première traduction de l'allégorie de la caverne en avril 1999, et elles, et d'autres traductions faites en parallèle, ont fait évoluer ma compréhension de ce que Platon cherche à y faire comprendre. Pour pouvoir avancer, je n'ai pas toujours pris le temps de mettre à niveau des pages déjà traduites au fur et à mesure de cette évolution de ma compréhension de Platon, mais je l'ai fait au moins pour les pages principales, celles que j'ai listées plus haut (savoir et opinion, mise en parallèle du bon et du soleil, analogie de la ligne, allégorie de la caverne et son commentaire par Socrate, définition de la dialektikè) plus la page sur les différentes sortes de lits, qui avaient donné lieu à plusieurs versions successives, avec la dernière version en date de celles-ci, mise en ligne entre novembre 2022 et mai 2024 et mettant de la cohérence entre elles à la lumière de ma compréhension la plus récente de ce que cherche à nous faire comprendre Platon. Pour ceux que cela intéresse, on trouvera sur ce site les différentes versions successives de mes traductions de ces pages à partir de liens fournis au début de leur version la plus récente.
- Un troisème ensemble est constitué de trois pages html qui proposent une traduction annotée de la première partie du Parménide, l'un des dialogues les plus arides et les plus difficiles à bien comprendre de Platon, qui sert d'introduction à la sixième tétralogie (Parménide - Théétète / Sophiste / Politique), celle sur la dialektikè, et cherche à faire comprendre par l'exemple sans le dire explicitement pourquoi c'est la dialektikè telle que comprise par Platon qui constitue le couronnement des études du candidat philosophe, et non pas la logique, comme le croyait Aristote. La page proposant la traduction de la première partie du dialogue entre un Socrate très jeune et un Parménide très âgé commence par une introduction qui explique le rôle de ce dialogue et le sens qu'il faut lui donner, et qui permet de comprendre pourquoi je n'ai pas éprouvé le besoin de traduire le reste du dialogue, le « jeu laborieux » (comme l'appelle Parménide lui-même) entre Parménide et un adolescent nommé Aristote (personnage historique qui fut l'un des Trente Tyrans), dont l'homonymie avec le philosophe du même nom, élève, puis collègue, de Platon à l'Académie, ne doit rien au hasard. Une page intitulée L'argument du troisième homme, en référence au nom que l'on donne à l'un des arguments qu'oppose Parménide à Socrate à propos des eidè / ideai (entre lesquelles pas plus le Parménide mis en scène par Platon que son Socrate jeune qui lui sert d'interlocuteur dans ce dialogue ne font de différence) montre que le fait que Parménide utilise cet argument de manière fautive sans que le Socrate adolescent qui lui fait face ne le reprenne alors que le Socrate mûr de la République, dialogue qui précède le Parménide dans l'ordre des tétralogies, l'utilise de manière pertinente dans la discussion sur les différentes sortes de lits dans la République pour démontrer l'unicité de l'idea (qui n'est pas pour lui la même chose que les eidè) ruine l'hypothèse « évolutionniste » et est un argument déterminant en faveur de mon hypothèse sur les dialogues considérés comme un unique ouvrage à visée pédagogique parsemé de « questions-tests ».
- Le dernier ensemble, couronnement de ce travail, est constitué d'une série de pages proposant une traduction largement annotée de la seconde partie du Sophiste, celle qui examine la septième caractérisation du sophiste, qui occupe à elle seule la moitié du dialogue et s'intéresse à lui comme producteur en cherchant à caractériser ses productions, mais qui est surtout l'occasion d'une longue parenthèse sur la possibilité du discours faux dans laquelle est commis par l'Étranger d'Élée qui a pris la place de Socrate comme meneur de jeu un « parricide » en pensée contre l'un de ses concitoyens, Parménide, pendant dans l'intelligible de la mise à mort en actes, dans le visible, de Socrate condamné par une pluralité de ses concitoyens, parenthèse qui est en fait la finalité de ce dialogue, qui s'intéresse, à travers le prétexte de « définitions » du sophiste, au fonctionnement du logos, dont le mauvais usage est justement la caractéristique principale du sophiste, et à la manière dont il peut être porteur de sens et au sens du verbe einai (« être ») et de l'expression mè einai (« ne pas être ») / mè on (« n'étant pas »), traduction accompagnée d'une introduction et de diverses pages de commentaires et d'un plan du dialogue accessibles à partir de la page d'introduction.
24 octobre 2024 : mise en ligne d'une page de la section « vocabulaire » consacrée au verbe metechein (« participer à, prendre part à ») et à ses dérivés
25 août 2024 : mise en ligne d'une nouvelle version de cette page d'accueil y étoffant la présentation de la partie française du site et des thèses que j'y soutiens
27 mai 2024 : mise en ligne d'une nouvelle version de ma traduction de République VII, 517a8-519d7, « L'allégorie de la caverne - 2 : Le commentaire de Socrate », dont la traduction et surtout les notes ont été revues pour les mettre en cohérence avec mes révisions de la discussion sur savoir et opinion, de la mise en parallèle du bon et du soleil, de l'analogie de la ligne, de l'allégorie de la caverne proprement dite, de la définition du dialegesthai et de la discussion sur les trois sortes (eidè) de couches (lits)
25 avril 2024 : mise en ligne, sous le titre « Les Socrates de Platon », d'un second « prélude » accessible depuis la page d'accueil du site en français traitant du rapport entre le (ou les) Socrate des dialogues et le Socrate historique
27 février 2024 : mise en ligne d'une nouvelle version de ma traduction de République, VII, 531c9-535a2, « Définition du dialegesthai » dont la traduction et surtout les notes ont été revues pour les mettre en cohérence avec mes révisions de la discussion sur savoir et opinion, de la mise en parallèle du bon et du soleil, de l'analogie de la ligne, de l'allégorie de la caverne et de la discussion sur les trois sortes (eidè) de couches (lits)
22 février 2024 : ajout à la page de traduction de la première partie de la discussion entre Parménide et Socrate dans le Parménide d'une introduction sur le sens du Parménide replacé dans la dynamique des tétralogies et en particulier de la sixième tétralogie sur la dialektikè qu'il introduit et expliquant, à partir de l'exemple de ce dialogue, pourquoi et comment les dialogues de Platon ne sont pas des reportages historiques sur des événements de la vie réelle de Socrate, mais des fictions philosophiques cherchant à être fidèles à la pédagogie de Socrate fondée sur le dialogue plutôt que l'exposé didactique, en quoi le Parménide est une mise en garde contre la logique d'Aristote préférée à la dialektikè telle que comprise par Platon, mettant en scène un Socrate jeune qui n'est pas le Socrate de la République et des autres dialogues et le Théétète une mise en garde contre la dialectikè telle que comprise par Euclide de Mégare et son école mettant en scène un Socrate revu à la sauce d'Euclide qui n'est pas non plus le Socrate des autres dialogues (et tant pis pour la maïeutique socratique !)
et
chronologie complète des mises à jour du site en français
- Traduction de Phédon, 95e8-103a2, qui constitue ce que j'appelle l'autobiographie intellectuelle de Socrate (du Socrate de Platon en tout cas).
- Traduction du livre IV de la République à partir de 427c6 : la justice dans la cité, la tripartition de l'âme et la justice dans l''âme tripartite.
- Traduction de Théétète, 172b8-177c5, la « digression » au centre du dialogue qui propose un supposé portrait de « philosophe » qui n'est autre que le portrait de ce que le « scientifique » Théodore de Cyrène (et derrière lui Euclide de Mégare qui est présenté par Platon dans le prologue du dialogue comme son auteur) considère comme un « philosophe », et non pas ce que le Socrate de Platon (et Platon derrrière lui) entend par ce mot.
(Note : si vous visitez ce site pour la première fois, cliquez ici pour aller directement à la liste des pages d'introduction d'origine)
Note sur la version française : bien que l'auteur soit français, et pour des raisons qui sont expliquées plus bas, un certain nombre des pages de ce site avaient d'abord été développées en anglais avant d'être traduites en français. Pour les quelques pages du site original en anglais non encore traduites en français, les liens restent en anglais et donnent accès à la version anglaise.
Plan d'ensemble des dialogues de Platon contenant des liens vers des commentaires sur chaque tétralogie et dialogue (le « cœur » de ce site), commenté et expliqué dans un texte au format pdf intitulé « Platon : mode d'emploi »
Une page intitulée « Fil directeur » présentant succinctement les « thèses » qui constituent l'arrière-plan commun de tous ces dialogues et montrant comment elles s'articulent les unes aux autres et n'ont rien à voir avec la supposée « théorie des formes/idées » que l'on prête à tort à Platon
Des pages « outils » fournissant des éléments de contexte sur Platon et les dialogues (en anglais pour l'instant) : chronologie synoptique et détaillée des Vème et IVème siècles avant J. C. (en cours) ; cartes du monde grec, de Grèce, de l'Attique et d'Athènes ; notices sur les lieux et personnages d'intérêt pour l'étude de Platon (en cours) ; ou encore une page qui montre à quoi pouvait ressembler un « livre » au temps de Platon et une page consacrée à l'édition des œuvres complètes de Platon par Henri Estienne (avec photos), qui, bien que datant de 1578, sert encore aujourd'hui à citer Platon (voir question 7 de la foire aux questions)
Une section « vocabulaire » regroupant des études sur des mots grecs particulièrement importants pour la compréhension de Platon (avec un répertoire des extraits traduits dans cette section du site) ainsi qu'un lexique des mots grecs importants pour comprendre Platon (extrait de l'article « Platon : l'essentiel »)
Liens vers les dialogues sur le Web
Une liste des œuvres de Platon, ainsi qu'une bibliographie sur et autour de Platon.
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On trouvera aussi sur le site de la revue philosophique en ligne Klèsis (cette revue change souvent d'hébergeur et de présentation, ce qui change les URL des diverses pages ; si les liens ci-dessous vers elle ne fonctionnent plus, utilisez les liens vers les copies locales des articles, qui, eux, ne changent pas, puisqu'ils sont sur mon site) :
Une
Foire Aux Questions (FAQ)
concernant Platon
(avec une question sur Platon et l'Atlantide)
Archives e-mail (quelques-uns de mes messages à diverses listes de distribution sur Platon remontant aux années 1995-98)
Biographie succincte de Platon
Une liste des œuvres de Platon
Petite histoire de l'interprétation des dialogues de Platon
De nouvelles hypothèses sur les dialogues
Une étude introductive à Platon et ses dialogues par l'auteur de ces pages, écrite initialement en anglais en 1996 pour le site (qui n'existe plus) de l'université d'Evansville, Indiana, qui a hébergé ce site sur Platon pendant les cinq premières années de son existence, et traduite en français par moi en 1997.
La version originale en anglais de ce site sur Platon et ses dialogues créé en 1996 avait été rendue possible par les suggestions et les encouragements que l'auteur avait reçu d'Anthony F. Beavers, à l'époque Associate Professor of Philosophy and Religion à l'université d'Evansville, Indiana, rencontré « électroniquement » sur une liste de distribution consacrée à Platon, et qui avait accepté d'héberger pendant plus de 5 ans (de mai 1996 à septembre 2001) ces pages sur l'un des serveurs dont il avait la charge à l'université d'Evansville. Dans ces conditions, il était normal que ces pages fussent développées en priorité dans la langue du propriétaire du site d'accueil. Celui-ci m'avait néanmoins autorisé à inclure sur le site une version française de ces pages. Qu'il en soit ici doublement remercié.